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Dernière mise à jour : vendredi 30 novembre 2007
Droit de réponsepar Alain Riffart Mon cher César, Depuis un certain jour de fin septembre (ou début octobre ?), je ne suis pas très content de moi. Je me trouve un peu, beaucoup, lâche. Je me suis cherché des excuses dilatoires de la pire espèce qui allaient de la bêtise la plus crasse à l'égoïsme le plus stérile (Tu as du travail, diffuse ton site personnel (c'était fait), c'est pas tes oignons). Et puis ce soir, je consulte à nouveau ton site pour ne pas me tromper sur les termes que tu as employés et... plus rien. Du coup, cette disparition me détermine définitivement à te faire part de mon point de vue, car je me trouverais encore plus lâche de faire comme si rien n'avait été écrit. Ce que je pense n'est évidemment qu'une opinion fondée, tout de même, sur quelques éléments de l'histoire économique et sociale de notre pays. Je n'y mets en rien une acrimonie personnelle ou même une défense catégorielle. Tout d'abord je comprends parfaitement le désagrément personnel que tu as pu ressentir en te retrouvant avec une journée sans train. De là à éprouver des envies de meurtre même métaphorique... Je pense que, comme tout un chacun, j'ai eu l'occasion de subir les perturbations occasionnées par tel ou tel arrêt de travail d'une certaine catégorie du personnel. Pas plus tard que lors de la rentrée scolaire, la région PACA, comme d'autres régions de France, a été fortement perturbée par le blocage des approvisionnements en essence. Tu ne t'en es pas aperçu ? Peut-être est-ce parce que tu as la chance, ou la malchance ?, de vivre dans une région où en temps ordinaire, la desserte ferroviaire est remarquable ? Quarante à cinquante trains par heure conduits par des fonctionnaires arrogants ? Quelle manne pour les employeurs et peut-être pour les employés. A Port-de-Bouc où j'habite, ville distante de 38 km de la gare Saint-Charles de Marseille, il doit bien y avoir vingt trains de voyageurs qui s'arrêtent... dans la journée. Certaines gares de la banlieue Nord de Marseille comme Saint-Barthélémy, Saint-Henry, distantes de cinq ou six kilomètres de Marseille, ont droit à huit trains qui s'arrêtent... dans la journée. Je te rappelle que ces villes ne sont pas perdues au fin fond de la Lozère et que, entre Marseille et Fos, le tissu urbain est ininterrompu comme entre Paris et Evry. Sur ces lignes, les cheminots font souvent grève pour le maintien du service public, pour leur salaire, pour l'amélioration des prestations offertes au public. La prochaine fois que je trouverai la gare fermée pour cause de grève, je m'engage au lieu de me lamenter bêtement, parce qu'à cause d'eux, ces fonctionnaires... je dois accompagner un parent ou ami ou moi-même jusqu'à Marseille en voiture, de planter là parent ou ami ou moi-même et d'aller manifester avec eux, ces fonctionnaires... pour la défense et la continuité du service public. Dans une région comme le pourtour de l'étang de Berre, nous sommes nombreux à souhaiter que les chemins de fer français continuent à desservir des lignes régionales de peu d'intérêt, comme disent d'autres fonctionnaires planificateurs. Quand, à partir d'Aix ou de Salon, il faut deux heures d'autobus ou autant de train pour aboutir à une gare excentrée de deux ou trois kilomètres des lieux d'activité comme Fos, Martigues, Istres, que font les petits fonctionnaires de l'Education nationale quand il n'y a plus d'essence et que leur moyen de transport ordinaire est, par nécessité, et non par choix, leur voiture automobile personnelle ? Ils vont au travail... Mais je ne peux me contenter d'en rester à la surface des choses et des désagréments comparés des uns ou des autres comme si une grève à la SNCF avait la même signification politique et sociale que le blocage des approvisionnements d'essence par des patrons transporteurs. Pour faire court, je trouve extrêmement infamant de confondre l'histoire de la fonction publique française avec la sécrétion d'une bureaucratie à la botte d'un parti unique dans un état totalitaire. Attention ! Je sais très bien que ce n'est ni ce que tu as écrit, ni j'ose l'espérer, ce que tu penses ; mais je prétends que c'est ce qui est contenu en filigrane dans les discours sur les fonctionnaires qui servent de déversoir à toute la rancoeur sociale qui existe dans le privé. C'est extraordinaire l'idéologie dominante. Voici qu'aujourd'hui on explique aux jeunes gens qu'être actifs, dynamiques, efficaces, c'est bouger, aller au devant de l'emploi, se battre pour... Que dans une vie on sera conduit à exercer plusieurs métiers... et toutes ces balivernes qui de tous temps ont fait que l'esclave a fini par être convaincu que bien servir son maître est ce qui pouvait lui arriver de mieux. Et alors, que fait-on du beau discours édifiant sur l'enracinement, le bel attachement des gueules noires à leur puits de mine, leur coron. Les petits jardinets bien proprets des cités ouvrières qui, sous le commentaire pleurnichard et onctueux d'un journaliste de la Pathé-Gaumont, aux actualités, comme on disait alors, avant le film principal, vous expliquait la sublimité ulyssienne de l'attachement de ces ouvriers, d'une part à leur noble mission au fond, d'autre part à leur terre. Ben voyons. Allez, fini tout ça, la Lorraine, les terrils... allez voir du côté de Fos-sur-Mer : on vous a concocté un pôle de production aux petits oignons. Le plus grand complexe sidérurgique européen. Résultat : taux de chômage des Bouches du Rhône 17,56 % ; record de France homologué. A propos de la stabilité de l'emploi ou dans un emploi, mon grand-père a été décoré d'une médaille en chocolat de je ne sais combien de carats et d'années exemplaires de non-grève, y compris en 36, pour être resté pendant cinquante-deux ans employé par la même société, Fives-Lille, de treize ans à soixante-cinq ans. Remarque, je dois reconnaître que la société en question a fait preuve, on disait société à l'époque pas encore entreprise, d'une extrême grandeur d'âme puisqu'elle a compté dans son temps d'activité les sept années de service militaire obligatoire, dont cinq de guerre et dix-huit mois absolument édifiants à patauger dans la boue des tranchées du côté de Verdun et du chemin des Dames. Il est libre Max. Le rapport avec ton billet d'humeur ? Il est avec la partie de ta phrase qui disait ceci : "du haut de leur sécurité de l'emploi" que j'analyse ainsi :
Ce que je conteste et qui me met moi aussi en colère, mais sans envie de meurtre, c'est ceci :
Et pourtant La fonction publique française est le fruit respectable d'une longue lutte pour imposer :
Voilà ce que sont mes colères ! Je n'ajouterai rien sur les patrons transporteurs, cela nous conduirait trop loin... Au moins jusqu'au Chili et à la politique globale des transports en France et en Europe. Je n'ai évidemment pas parlé des motifs de cette grève, car d'une part il me semble me souvenir que tu n'y faisais aucune allusion dans ton billet, d'autre part, et c'est logique, comment pourrait-on trouver justifié quelque motif de revendication que ce soit pour des gens qui jouïssent d'un privilège exorbitant : la sécurité de l'emploi. Voici, mon cher César, ce que je voulais te dire depuis plus de quinze jours. Voici pourquoi je me trouvais bien lâche de ne pas l'avoir encore fait, réduit au silence par la crainte de te déplaire. J'epère que faute d'approuver mes idées tu comprendras au moins mes préoccupations. Peut-être que, d'une certaine manière ton billet n'est que le prétexte qui me permet de mettre en forme ce que j'aurais voulu dire depuis bien longtemps et bien plus longuement à mon ex-ministre de tutelle, M. Allègre. Moi aussi, du haut de ma sécurité de l'emploi je me suis permis, au mois de février 2000, de faire 15 jours de grève pour protester contre l'image infamante que M. le ministre donnait de ses propres administrés. Nous aurons favorisé ainsi une brillante carrière de star de la télévision. Je m'étais autorisé aussi à faire grève pour m'opposer au plan de M. Juppé pendant plus de 15 jours en décembre 1995. Pour le coup, je reste très satisfait de cette dernière action. Elle a permis de maintenir la durée maximale du temps de cotisation sociale à 37,5 annuités et non 40 comme l'envisageait le plan Juppé. Et je ne te cacherai pas que, dans l'état actuel des choses, c'est avec une satisfaction non dissimulée que j'envisage de jouïr de cet autre privilège exorbitant dont je voudrais évidemment que tous les travailleurs bénéficient : la retraite à 60 ans. Et quand je dis tous les travailleurs, je pense à la loi et à une limite d'âge ; mais je pense aussi à tous ceux qui par la pénébilité de leur travail, les accidents, la maladie, la violence humaine ou naturelle, n'ont jamais atteint cet âge. Comme je suis décidément incorrigible, je peux même te prédire que, étant à la retraite, du haut de la sécurité que me donnera ma pension, je continuerai à descendre dans la rue pour défendre l'emploi, la sécurité sociale, le droit de grève..., je m'entêterai dans mes protestations contre la peine de mort, le racisme, les dicriminations de tous ordres et j'irai, privilège de retraité, jusqu'à Paris sur les quais de la Seine distribuer des coockies pour m'insurger contre les brevets insupportables d'une société Amazon quelconque... et faire connaître la philosophie des logiciels libres. Pour moi, tout cela me semble parfaitement cohérent. Encore un de ces manifestants professionnels es-tu en train de penser en toi-même ? Non, César, pas professionnel, libre. Ne t'ai-je pas donné mon code ? Bien cordialement. Alain |
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